LE SOIR D: U CENTRE
Lesoir; le Lundi 3 Decembre 2012UNIVERSITÉ DE
KHEMIS MILIANA
Recherche scientifique et agriculture : les choix incontournables
Durant deux jours consécutifs, lundi et mardi, la grande esplanade
qui jouxte lauditorium de lUniversité de Khemis Miliana a été
transformée en une vaste foire agricole où des dizaines de stands ont
exposé, ce dont nos agriculteurs et nos éleveurs sont capables de
réaliser tant au niveau de la quantité que de la qualité des produits
variés allant du miel aux veaux nouveau-nés en passant par les fruits et
légumes et autres produits maraîchers dont la pomme de terre est la plus
cultivée à côté des céréales.
Cette exposition qui a attiré la grande foule, a précédé un important
colloque qui a servi de constat actuel de lactivité de formation des
étudiants, toutes filières confondues, mais aussi et surtout de la
nouvelle vision du rôle que doit jouer lUniversité et principalement le
rôle de la Recherche scientifique qui doit être le moteur incontournable
«du produire plus et mieux et à moindre coût» si tant est quon veuille
vraiment infléchir la courbe ascendante des importations alimentaires
qui sélèvent à plus de 80% de nos besoins. Cest ce qua longuement
expliqué le Dr Chehat Fouad, directeur général de lInstitut national de
la recherche en agronomie. Sa vision de la recherche scientifique dans
ce domaine va à contre-courant de celle qui sest installée depuis des
années au sein de nos universités, à savoir des sujets tirés de
labsolu, fantasmatiques en inadéquation ou à côté des préoccupations
réelles du monde agricole, des problèmes auxquels il doit faire face
pour rentabiliser au maximum lactivité agricole, à savoir
lamélioration des terres, la fertilisation des sols, la gestion de
leau, les problèmes de drainage, lintroduction de nouvelles variétés
plus rentables et qui peuvent sadapter à la nature et au climat. «Il
faut faire des choix, introduire une véritable révolution dans la
conception de la recherche à savoir une recherche qui vise à létude des
problèmes posés, spécifique à une situation donnée, dans une région
donnée, dans un domaine donné, auxquels le chercheur doit proposer les
solutions les plus efficaces, les plus appropriées à même dinduire les
résultats les plus performants, mais luniversité ne peut plus continuer
à faire des recherches hors contexte, des recherches universitaires pour
luniversité, sinon ce serait du pur gaspillage de temps et dargent »
dira-t-il. Evoquant le rôle de lenseignant universitaire, le Dr Chehat
ne sembarrasse pas de préjugés pour dire : «Lenseignant qui ne fait
pas de la recherche na rien à faire à luniversité sil se contente de
donner des cours et rentrer chez lui
luniversité nest pas une école
primaire, la société attend beaucoup plus de lui.» Il constate que, pas
moins de 1000 000 dAlgériens sont en formation dans les universités,
que des centaines sont dans les écoles de doctorat, que les
potentialités humaines et scientifiques existent mais sous-utilisées ou
mal orientées» et de sinterroger alors, «où est donc le problème ?»
Pour lorateur, le hiatus réside dans le fait que les directeurs de
recherche ignorent la demande réelle et les questions posées»
Sentencieux, il assène «Il nest plus possible de continuer à sinventer
de fausses excuses, il est temps que chacun soit mis en face de ses
responsabilités.» Il rapporte quau stade actuel de la recherche, «il
existe 36 projets nationaux avec les universités en plus du mégaprojet
en partenariat avec les Chinois avec une enveloppe de 64 milliards et un
autre avec lUE pour un montant de 1,2 million deuros ». Il note que
«ces projets sont définis clairement, les moyens financiers existent
mais nous les abordons en rangs dispersés, chacun travaillant dans son
petit coin sans concertation, sans échanges, dans lincohérence » et
pose ensuite la question fondamentale «sommes-nous capables dunir nos
efforts pour apporter les réponses indispensables aux problèmes posés ?»
Sagissant de lautosuffisance alimentaire, lintervenant met les
pendules à lheure «lautosuffisance alimentaire est un mythe car de par
le monde aucun pays nest arrivé à se suffire à lui-même en produisant
tous les produits». Et dajouter dans ce sens, «nous devons produire
suffisamment certains produits oui, de bonne qualité et même dégager des
excédents à exporter ou à reverser dans le processus de transformation
(pomme de terre, agrumes, olives...), en un mot, concentrer tous nos
moyens, tous nos efforts sur la production des produits stratégiques,
tels que le blé dont nous continuons à importer dimmenses quantités.
Questionné au sujet de lextension de lespace urbain au détriment de
lespace agricole, le Dr Chehat voit différemment le problème. Il
constate dabord quen Algérie, lespace grignoté reste relativement
dérisoire. «Dans nombre de pays, on construit plus de villes, plus de
stades, plus daérodromes et dautoroutes, mais tout cela na pas
empêché ces pays de produire davantage au point de produire
considérablement de nombreux produits, de dégager des excédents et den
exporter
parce que ces pays gèrent mieux, de manière rationnelle et
scientifique et sappuient sur la recherche
Il faut donc faire un
choix, ou continuer de produire de façon traditionnelle et rêver
dautosuffisance alimentaire ou impliquer les scientifiques et viser des
performances et rationnaliser des méthodes de production les mieux
appropriées. » Il a été aussi question lors de ces débats, des problèmes
environnementaux tels ceux soulevés par le directeur du secteur
concerné, à savoir la pollution des nappes souterraines, la salinisation
des sols, la contamination des eaux souterraines par linfiltration des
nitrates et pesticides. A ce sujet, le directeur du secteur dira, «cest
à ce niveau et à toutes les étapes du cycle que se situera le rôle de la
recherche scientifique pour, non seulement apporter des solutions aux
problèmes posés, mais aussi pour rentabiliser au maximum lexploitation
des terres durablement, sans causer de préjudices irrémédiables à
léquilibre de la nature.»
Karim O.
Categorie(s): régions
Auteur(s): Karim O.